De la « politique commerciale » au « commercial politique »
De la « politique commerciale » au « commercial politique ».
Comment passer d’une simple stratégie à une philosophie commerciale tournée vers la confiance et fondée sur des valeurs, à commencer par l’authenticité. Et surtout : quel intérêt ? La réponse de notre spécialiste en politique commerciale.
Il a existé au Japon, au cours des ères Edo et Meiji, une pratique dénommée Sanpo Yoshi. Celle-ci signifiait : « satisfaction à trois ». Des marchands ambulants, les Omi shonin, devaient la réussite de leurs affaires au fait qu’ils réinvestissaient une partie de leurs gains dans des infrastructures qui bénéficiaient aux communautés avec lesquelles ils travaillaient. En fait, leur objectif était de trouver le bon équilibre entre la satisfaction du vendeur, de l’acheteur et de la communauté, car ils avaient conscience qu’ils devaient leur succès à leurs clients et leur groupe d’appartenance. De fait, ils se projetaient dans le long terme. Cette époque niponne, qui traverse les XVIIème, XVIII et XIXème siècles, marque en quelque sorte l’avènement du « commercial politique », au-delà de la « politique commerciale ».
Pour donner une définition plus précise : la politique commerciale relève de la stratégie, et le commercial politique y ajoute une dimension philosophique. Si la première peut être multiple et s’incarner au travers de nombreuses orientations, le second est unique. Il porte des valeurs, et se traduit dans une pratique et un choix : la stratégie de la confiance.
Ce qui différencie ces deux conceptions d’une même pratique, c’est l’intention de départ. La politique commerciale poursuit un but principalement économique, là où le commercial politique a une ambition plus large : rechercher la performance dans toutes ses dimensions : économique, bien sûr, mais également humaine et environnementale. Avec l’objectif de participer à l’éclosion d’une société équilibrée. Car l’entreprise n’est pas isolée, elle fait partie d’un écosystème qui contribue à sa performance… et vice-versa. Evidemment, cette approche implique de se projeter à moyen et long terme, car la confiance qui en constitue le ciment nécessite du temps pour s’établir.
Faire de l’honnêteté une force commerciale
Si les échanges commerciaux s’expriment au travers de pratiques saines et respectueuses pour toutes les parties, cela se traduit également dans des modes de management appropriés, appuyés sur la qualité de la « relation client ». Ainsi, nous gagnons tous en confiance : les clients sont respectés et les collaborateurs managés correctement, sur la base d’actions qu’ils maîtrisent, car claires, factuelles et justes. Quant aux fournisseurs, étant considérés comme des partenaires, ils sont reconnus pour leur valeur ajoutée et peuvent se projeter dans la durée. Enfin, sur la base du respect des clients, nous développons des relations loyales avec nos confrères, tout au moins ceux qui partagent nos valeurs.
C’est toute une partie de la société qui est ainsi impactée positivement par cette philosophie tournée vers la confiance, qui se traduit par une posture : l’authenticité, de laquelle découle des valeurs naturelles. Le champ professionnel est alors largement dépassé, au profit de l’expérience personnelle qui, par conséquent, touche le cercle familial et amical.
Comme tout choix politique, celui-ci a ses partisans et ses détracteurs. Il ne s’agit donc pas de convaincre les gens d’être honnêtes, mais de permettre à ceux qui le sont d’en faire une force commerciale. L’objectif est de les rassembler, afin de développer un écosystème qui se retrouve dans des valeurs et s’incarne au travers de pratiques cohérentes. Dans une période où la défiance semble se généraliser dans de nombreux domaines, faire le choix commercial de la stratégie de la confiance a certainement du sens.
Le commercial politique a donc un rôle essentiel à jouer : participer à créer un monde de confiance. Ceci est loin d’être utopique, comme le démontre d’ailleurs l’expérience des Omi shonin, qui sont devenus parmi les marchands les plus puissants du Japon. Et on chercherait en vain des exemples contemporains d’une même ampleur : les quelques arbres plantés ou les financements d’associations diverses, dont se nourrissent la communication et le marketing afin de booster les ventes, ne sont pas comparables. Cependant, le monde de demain semble en attente d’une nouvelle dynamique sur laquelle appuyer une nouvelle façon de faire du business.
Publié sur Fildmédia le 05/11/2021 – La chronique « business responsable » de Guillaume PETITJEAN – Toute reproduction interdite