RSE et pratiques commerciales, le point de vue de Guillaume Petitjean
RSE et pratiques commerciales, le point de vue de Guillaume PETITJEAN
Reproduction de l’interview réalisée par Delphine RICHARD pour FQP BFC.
Bonjour Guillaume,
Pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas, peux-tu te présenter et nous dire succinctement quel projet tu portes ces derniers mois ?
J’ai une formation école de commerce, orientée vers l’international, qui m’a rapidement mis au contact de différentes cultures et fait comprendre l’importance de la dimension humaine. J’ai occupé des postes de commercial et de manager au sein de TPE, PME et grandes entreprises, qui m’ont conduit à travailler dans des univers très variés. Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le conseil et la formation sur la thématique commerciale, avec la particularité d’être fortement ancré dans les valeurs d’honnêteté, de respect et de loyauté. Par conséquent, je ne travaille pas du tout sur les techniques de vente classiques, ce qui implique un mode de management également différent de ce que l’on rencontre communément.
En 2017, j’ai initié le projet SUXECO, sur lequel je travaille avec un groupe d’experts, tous réunis par l’envie partagée de contribuer à une approche différente des affaires. L’ambition est de fédérer les professionnels de tous métiers, qui partagent une vision et des valeurs communes, pour développer des collaborations performantes, en terme économique, humain et environnemental, en phase avec les enjeux futurs.
Pour expliquer et porter ce projet à la connaissance du plus grand nombre (professionnels et particuliers), je viens de publier un livre intitulé « Créons un monde de confiance ».
Peux-tu partager avec nous ton regard sur les pratiques commerciales aujourd’hui en entreprise ?
Il y a beaucoup d’affichage de valeurs, mais dans les pratiques, on en est souvent éloigné. Tout d’abord, le mode de rémunération des commerciaux, très souvent basé sur une part variable importante liée aux ventes, est une source de risque qui conduit à des dysfonctionnements :
– Soit cela engendre des comportements de mercenaires, qui sont peut-être « efficaces » à court terme, mais génèrent des insatisfactions, donc posent des problèmes de fidélisation à moyen ou long terme.
– Soit cela engendre des difficultés à trouver de bons commerciaux, avec des turn-over importants, des burn-out et de moins en moins de candidats pour exercer dans ces conditions.
En fait, le monde évolue, mais assez peu les pratiques commerciales. On évalue encore trop fréquemment la performance d’une personne à sa capacité à vendre tout et n’importe quoi, à n’importe qui. Ces approches manipulatoires, que l’on entend souvent résumées par la phrase « c’est un super commercial, il vendrait un frigidaire à un esquimau », méritent d’être sévèrement critiquées et remises en cause.
La RSE te semble-t-elle s’être saisie des enjeux liés au commercial ?
Partiellement, car je constate qu’aujourd’hui le commercial est abordé sous l’angle : « comment valoriser mon engagement RSE dans ma démarche commerciale ? ». Alors qu’à mon sens, la bonne approche est : « comment faire pour que mes pratiques commerciales soient cohérentes avec mon engagement RSE ? ».
Dans le premier cas, c’est une approche marketing, dans le second il s’agit d’une approche plus responsable.
Ce que nous vendons est important, mais également la façon dont nous le vendons. La survente reste de la survente, même si le produit est « éthique ». Vendre un bon produit ou service, qui ne correspond pas à l’usage du bénéficiaire, n’est pas cohérent avec la philosophie RSE. Je rencontre de nombreux professionnels parfaitement honnêtes, qui génèrent des insatisfactions chez leurs clients. Ce n’est pas intentionnel, mais ce qu’ils font est incomplet, bien souvent ils manquent de méthode et d’exigence dans leurs échanges commerciaux. C’est la relation humaine qui est en jeu.
Quels sont selon toi les fondamentaux d’une stratégie commerciale responsable ?
C’est avant tout une question de gouvernance. C’est le management qui doit impulser des pratiques responsables.
D’une part, nous devons sortir du stéréotype de la simple relation client-fournisseur. En effet, ce n’est pas l’entreprise seule qui est performante, c’est son écosystème qui la rend performante. Nous sommes de fait, dans une relation d’exigence partagée : si l’exigence du client semble naturelle, celle du fournisseur est non seulement légitime, mais essentielle. Son expertise contribue à la satisfaction de son client, voire à sa performance lorsqu’il s’agit d’un professionnel. Cela signifie que c’est un état d’esprit qui doit s’exprimer dès le premier rendez-vous. Durant celui-ci de nombreuses questions doivent être posées et celles-ci doivent impérativement obtenir les réponses qui vont permettre au fournisseur de savoir s’il a la capacité d’aider son interlocuteur.
D’autre part, lorsque l’on évoque la notion de responsabilité, celle-ci doit également s’exprimer avec les commerciaux. Il est donc fondamental de mettre en place un management qui conduit ces derniers à passer du stress bloquant, au trac mobilisateur et au plaisir dans l’action, qui constitue un puissant levier de performance. Aussi, comme je l’ai évoqué, leur mode de rémunération doit être repensé, afin que la qualité de la relation client soit favorisée.
Quels bénéfices peuvent en tirer les parties prenantes (clients, fournisseurs…) ?
Les bénéfices sont considérables. C’est l’idée que je partage dans mon livre : avec des pratiques commerciales respectueuses, par effet domino, nous contribuons à l’amélioration de la société, car nos pratiques commerciales influencent les relations humaines. Notamment en développant des relations basées sur la confiance, qui naturellement diminuent le stress et accroissent le plaisir.
J’utilise un schéma qui illustre cela (que vous pouvez consulter sur le site rse-commerciale.fr). Celui-ci montre comment l’ensemble des parties prenantes tirent bénéfice de cette démarche : notre posture étant avant tout de savoir si l’on a la capacité d’aider nos clients et prospects, celle-ci va avoir un impact sur nos clients, nos collaborateurs, nos candidats potentiels, nos fournisseurs et nos confrères.
- Nos clients gagnent en confiance, avec l’assurance d’être considérés et respectés.
- Nos collaborateurs ont confiance dans un management responsable centré sur la qualité de la relation client.
- L’entreprise reconnue comme engagée et respectueuse, attire la confiance de nouveaux collaborateurs.
- En miroir à notre relation clients, nos fournisseurs ont confiance dans une relation d’exigence et de loyauté réciproque.
- Nos confrères ont confiance dans des relations loyales, liées au respect de nos clients et prospects.
- Et enfin, l’entreprise peut s’appuyer sur un écosystème de partenaires de confiance.
Ce schéma pouvant se reproduire à l’échelle de chacun, voire inspirer la diffusion de bonnes pratiques !